Le client sérieux, par E. Degas
+ Le musée d'Orsay consacre une exposition à la place des "femmes vénales" dans la peinture du XIXe (jusqu'au 17 janvier). La distinction entre "modèle" et "prostituée" n'est alors pas nette, et la mode naturaliste fit que certains peintres choisirent de peindre leurs modèles "dans leur jus", plutôt que de les idéaliser.
Le quotidien démocrate-chrétien "La Croix" (Sabine Gignoux) déplore certains aspects racoleurs de l'expo. Mais, après tout, le racolage n'est-il pas un aspect essentiel de l'art désormais ? Cependant il est à la fois ambigu et abusif d'attribuer aux prostituées un rôle actif dans la "révolution de l'art moderne". Si la beauté, disons au sens antique du terme, a été dévaluée au profit du "charme", les modèles des peintres n'en sont pas directement responsables. On pourrait citer le cas de peintres qui ont préféré souligner la laideur et le côté sordide de la vie bourgeoise bien rangée (Degas, Valloton). La pornographie occupe désormais dans la culture occidentale une place prépondérante, et les peintres du XIXe n'ont pas contribué à cette libéralisation de l'esclavage. Baudelaire souhaitait que les peintres traitent de la prostitution afin d'illustrer la sauvagerie de la civilisation.
+ Après une interruption, le Festiblog revient le week-end prochain à Paris. Ce festival créé en 2005 permet aux blogueurs-BD de rencontrer leurs fans, plus ou moins jeunes, lors de séances de dédicaces qui font le succès de ce type d'événement. Dans l'intervalle, le Festiblog a été rebaptisé "We Do BD" ; ça semble presque un contresens, puisque le phénomène est très franco-français ; la liste des blogueurs-BD en dédicace en témoigne.
Parmi eux, Laurel a récolté onze fois les 10.000 euros qu'elle réclamait sur Ulule.com (site de financement participatif) afin de pouvoir publier le récit de son expatriation en Californie. L'auteur a déclaré que le surplus servirait "à améliorer la qualité du papier et de la couverture de son album". Il est probable que l'édition traditionnelle, en crise plus ou moins larvée depuis des années, soit affectée par ces nouveaux modes de financement "directs" des auteurs.
+ Les amateurs de caricatures ne doivent surtout pas manquer, sur le site Gallica (Bnf), l'expo de 69 "portraits sans concession" dessinés et mis en couleurs par le portraitiste Lagneau (1590-1666). "Portrait sans concession" est, certes, un euphémisme pour dire "caricature", mais elle permet de rappeler que l'aptitude à saisir la psychologie et l'expression caractéristique du modèle rendent la frontière entre caricature et portrait incertaine. Auteur d'un mémorable "portrait sans concession" de la reine Marie-Antoinette, J.-L. David était également un portraitiste de grand talent.
Portrait d'homme et sa gourde, par Lagneau